Face à une année aride, l’Algérie est confrontée à une prolongation de l’absence pluviométrique. Les cultivateurs expriment leur anxiété. Se dirige-t-on vers une bissextile sècheresse en Algérie ? Quelles stratégies adopter face à cette tension aquatique ?
Lors d’une diffusion sur Echorouk News, Cheikh Ferhat, présentateur météorologique, a exposé la situation critique due au déficit pluvial dans la région. L’anticyclone des Açores, avec ses hautes pressions atmosphériques de 1.024 millibars, en est l’instigateur principal, demeurant ancré sur la péninsule Ibérique et le Maghreb.
Ce phénomène météorologique détourne les dépressions pluvieuses vers le septentrion européen, où les pressions sont inférieures à 1.000 millibars. Ces perturbations, qui normalement voyagent d’ouest en est à travers le Maghreb, sont désormais redirigées vers l’Europe du Nord. Ce déplacement entraîne une carence en précipitations en Algérie, induisant des tempêtes violentes en Europe et des inondations dans le nord de la France, où l’on a enregistré en 24 heures une quantité de pluie excédant la moyenne mensuelle.
Cheikh Ferhat exprime l’espoir d’un déplacement de l’anticyclone, permettant ainsi le retour des dépressions sur le Maghreb ou leur contournement. Une évolution envisageable dans les 4 à 5 jours suivants, selon les modèles prévisionnels. Néanmoins, aucune pluie n’est attendue en Algérie avant le vendredi suivant.
Cette absence de précipitations se révèle désastreuse pour les agriculteurs algériens, surtout en septembre et octobre, mois durant lesquels les pluies se sont faites rarissimes. Cheikh Ferhat anticipe une « amélioration notable fin novembre » et souligne l’impératif de valoriser l’eau, essentielle à la vie.
Sécheresse en Algérie : un retard inquiétant dans les semis de blé
La déficience pluviale se manifeste par un retard alarmant dans les semis de blé. À Berrouaghia (Médéa), au sein de la Coopérative de céréales et de légumes secs (CCLS), des semoirs inemployés s’accumulent sous les abris.
Normalement, ces équipements devraient être en fonction dans les champs. Ayad Kader, directeur de la CCLS, confie à Echourouk News qu’il dispose de 150.000 quintaux de semences et incite les agriculteurs à profiter des semoirs de la coopérative, proposés à des tarifs avantageux par rapport aux prestataires privés.
Certains cultivateurs s’affairent néanmoins aux préparatifs des semis. Sellami Zerouk de Sidi Naamane (Médéa) demeure préoccupé, se remémorant une année infructueuse :
« J’ai semé 50 hectares de céréales mais sans récolte. »
Pour pénétrer le sol aride, il a même apposé une lourde pierre sur son outil de labour. Une partie de sa terre, en pente, risque l’érosion en cas de pluies orageuses. Déjà, des ravines témoignent de l’érosion sévère du sol.
« Si dans les 15 jours il ne pleut pas, ce sera la catastrophe… »
À El Tarf, région parmi les plus arrosées d’Algérie, l’absence de pluie post-inondations de juin alarme les agriculteurs.
Walid, un trentenaire, exprime sur Ennahar TV : « Nous subissons une sècheresse. Le sol est desséché, les labours sont en suspens. Nos oliviers sont assoiffés. Nous espérons la pluie. » Il émiette un morceau de terre, qui se disperse en un nuage de poussière.
Zerouk, un agriculteur expérimenté, partage sa crainte :
« Sans pluie dans les prochains 15 jours, nos cultures seront dévastées. C’est une sècheresse implacable. »
Vêtu de treillis, Omar ne dissimule pas son angoisse : « Nous sommes en novembre, époque normale des labours et des semis. Nous aspirons à une amélioration pour entamer la saison agricole. »
Pratiques traditionnelles et forages
Traditionnellement, les agriculteurs font preuve d’une ingéniosité remarquable pour la gestion de l’eau, comme en témoignent les Ghouts d’El Oued, les Foggaras du Touat ou les Habess du Mzab. Le sud tunisien est connu pour ses Jessours, ces barrages de pierres érigés dans les ravins pour retenir l’eau de pluie.
À El Tarf, Walid demande des forages aux autorités. Lors de la saison précédente, d’autres agriculteurs plaidaient pour des libérations d’eau supplémentaires des barrages, tandis que les services hydrauliques s’alarmaient des réserves en eau potable pour la population.
En juin 2021, lors d’un colloque sur « Eau et agriculture dans le monde arabe », Khaled Amrani, ingénieur en agronomie saharienne et doctorant à l’université Grenoble-Alpes, alertait sur l’importance cruciale de la gestion de l’eau, facteur limitant et déterminant du développement, notamment dans les régions arides. Il mettait en garde contre l’accélération de sa raréfaction, due principalement à des mésusages.
Optimiser l’infiltration des pluies
Face à cette problématique, les agriculteurs algériens maximisent-ils la collecte des eaux pluviales dans leurs champs ? Pour ceux d’El Tarf, de Berrouaghia et d’autres régions, le défi est de s’adapter à une variabilité climatique accrue.
Dans le cas des cultures céréalières, le délai des semis, tributaire des précipitations, semble contrecarrer les objectifs gouvernementaux d’augmenter la production locale pour diminuer la dépendance extérieure.
L’Algérie n’est pas le seul pays à faire face aux pluies tardives. À l’international, des techniques innovantes de semis sont déjà en application.
Pour les cultures irriguées, il est surprenant de voir des demandes de forages ou d’augmentation des lâchers d’eau depuis les barrages, étant donné que le déficit pluvial entraîne une recharge moindre des nappes souterraines et un remplissage réduit des barrages.
Concernant la désertification de la steppe, de nombreux experts soulignent que les éleveurs attribuent souvent le problème à la sécheresse, mais rarement à la surpopulation ovine.
L’intensification de la sécheresse en Algérie nécessite l’exploration de nouvelles pratiques agricoles : réduction des cultures gourmandes en eau, adoption de nouveaux outils, construction de petites infrastructures favorisant l’infiltration des eaux pluviales et la recharge des nappes phréatiques.
Dans ce contexte, les méthodes de collecte des eaux de pluie développées en Inde ou au Sahel méritent une attention particulière, notamment celles initiées par les agriculteurs ou les communautés villageoises.
Il ne fait aucun doute que cette nouvelle réalité exigera une formation accrue des agriculteurs irrigants et une concertation renforcée entre utilisateurs et autorités au niveau des zones de captage. Cela s’inscrit dans la lignée des initiatives de l’Agence nationale de gestion intégrée des ressources en eau (AGIRE) en faveur de l’économie de l’eau.