Le roman « Houris » de Kamel Daoud, lauréat du prix Goncourt 2024, a déclenché une véritable tempête en Algérie. Accusé par une victime de la guerre civile d’avoir utilisé son histoire sans son consentement, l’écrivain se retrouve au cœur d’une polémique qui dépasse le cadre littéraire, s’inscrivant dans un contexte de tensions entre la France et l’Algérie. Cette affaire a également eu des répercussions sur la scène littéraire internationale, avec la suspension du Choix Goncourt en Algérie.

Le récit de Saada Arbane et la réponse de Kamel Daoud

Saada Arbane, victime d’un massacre durant la guerre civile, affirme que Kamel Daoud s’est largement inspiré de son histoire personnelle pour créer le personnage d’Aube dans « Houris ». Elle dénonce une violation de son intimité et une utilisation non consentie de son vécu.

De son côté, Kamel Daoud rejette catégoriquement ces accusations. Dans une tribune publiée dans « Le Point », il affirme que son roman est une fiction et que les similitudes soulignées par Saada Arbane sont superficielles. Il insiste sur le caractère universel de certaines blessures et souligne que « Houris » est avant tout une réflexion sur la tragédie d’un pays.

Les enjeux politiques et littéraires

Cette affaire dépasse le cadre d’un simple différend littéraire. Elle intervient dans un contexte de tensions accrues entre la France et l’Algérie, marqué par l’arrestation de Boualem Sansal. Les accusations portées contre Kamel Daoud sont perçues par certains comme une tentative de discréditer un écrivain critique du pouvoir algérien.

Sur le plan littéraire, la polémique autour de « Houris » a des répercussions importantes. L’Académie Goncourt a ainsi décidé de suspendre le Choix Goncourt en Algérie en signe de protestation contre la censure du roman et l’exclusion de son éditeur du Salon du livre d’Alger. Cette décision souligne l’attachement de l’Académie à la liberté d’expression et à la promotion de la littérature.

Une affaire qui interroge

L’affaire Kamel Daoud soulève de nombreuses questions : Jusqu’où un écrivain peut-il s’inspirer de faits réels sans se rendre coupable de plagiat ? Quel est le rôle de la fiction dans la représentation de la réalité ? Comment concilier la liberté d’expression avec le respect de la vie privée ?

Cette affaire met également en lumière les difficultés liées à la représentation littéraire des traumatismes collectifs. Comment aborder des sujets aussi sensibles que la guerre civile sans heurter les victimes ? Comment trouver un équilibre entre la nécessité de témoigner et le respect du secret médical ?

Conclusion

Le cas Kamel Daoud est emblématique des défis auxquels sont confrontés les écrivains contemporains. Il interroge notre rapport à la fiction, à l’histoire et à la liberté d’expression. Au-delà de l’aspect juridique de cette affaire, c’est l’ensemble du monde littéraire qui est invité à réfléchir sur les enjeux éthiques de la création artistique.