Contrairement à de nombreux pays européens qui optent pour un durcissement de leurs politiques migratoires, l’Espagne prend une voie diamétralement opposée. Le gouvernement espagnol, sous la direction de Pedro Sánchez, mise sur une réforme ambitieuse pour faciliter la régularisation et l’intégration des étrangers, en mettant en avant des enjeux à la fois économiques et politiques.

Une réforme au service de l’ouverture

Le mardi 19 novembre, le gouvernement espagnol a officialisé une réforme visant à simplifier les démarches administratives pour les étrangers. Cette mesure prévoit notamment une réduction des délais pour l’obtention des titres de séjour, un renforcement des droits des travailleurs migrants et une prolongation de la durée des visas de recherche d’emploi, désormais étendus à un an. Ces changements pourraient permettre jusqu’à 300 000 régularisations annuelles d’ici 2027, un chiffre considérable en comparaison des 200 000 dossiers actuellement en attente.

Elma Saiz, ministre des Migrations, a résumé l’objectif de cette réforme par une déclaration forte : « L’Espagne doit choisir : être un pays ouvert et prospère, ou un pays fermé et pauvre. Nous avons choisi la première option. »

Un impératif économique clair

L’une des motivations principales de cette réforme réside dans les besoins économiques croissants de l’Espagne. Face à une démographie insuffisante pour assurer le renouvellement de la population active, le pays est confronté à un manque de main-d’œuvre dans des secteurs clés comme l’agriculture, la construction et l’hôtellerie. Ces domaines dépendent fortement de la contribution des travailleurs étrangers, qui représentent entre 25 % et 50 % des effectifs.

Selon les estimations du gouvernement, pour maintenir son niveau de vie, l’Espagne a besoin de 250 000 à 300 000 travailleurs étrangers par an. Pedro Sánchez a souligné que sans cette main-d’œuvre, plusieurs secteurs cruciaux de l’économie pourraient s’effondrer.

Un positionnement politique audacieux

Au-delà des considérations économiques, cette politique migratoire reflète un choix stratégique et politique. Pedro Sánchez a tenu à rappeler que le taux de délinquance des étrangers est similaire à celui des Espagnols, s’opposant fermement aux discours alarmistes de l’extrême droite, qui parle souvent d’ »invasion ». En réponse aux critiques, il a également rappelé le passé migratoire de l’Espagne, évoquant les millions d’Espagnols qui ont fui la dictature de Franco. « Nous sommes les enfants de la migration, nous ne serons pas les parents de la xénophobie », a-t-il déclaré.

Une Espagne modèle pour l’Europe ?

Alors que l’immigration devient un sujet de préoccupation majeur dans toute l’Europe, l’approche espagnole pourrait offrir un contre-modèle aux politiques restrictives d’autres nations. Là où certains pays, comme la Hongrie ou l’Italie, adoptent des postures protectionnistes ou externalisent la gestion des migrants, l’Espagne mise sur l’intégration et la régularisation. Cette démarche, soutenue par une économie en croissance – avec un PIB attendu à +2,7 % – pourrait inspirer d’autres pays à adopter des politiques migratoires plus inclusives.

Un pari sur l’avenir

En choisissant de valoriser l’immigration comme une ressource et non comme un fardeau, l’Espagne fait un pari audacieux. Ce virage stratégique pourrait non seulement répondre aux besoins économiques immédiats, mais aussi renforcer la cohésion sociale du pays et consolider son image de nation ouverte et progressiste. Si cette politique porte ses fruits, elle pourrait bien redéfinir les termes du débat sur l’immigration en Europe.