Une réaction ferme d’Alger face aux mesures françaises

L’Algérie a fermement rejeté les accusations portées par le président français Emmanuel Macron dans une correspondance adressée à son Premier ministre, révélée mercredi par Le Figaro. Dans cette lettre, le chef de l’État français réclamait l’arrêt immédiat des exemptions de visas diplomatiques, particulièrement celles prévues par l’accord franco-algérien de 2013.

Les autorités algériennes, après avoir étudié ce courrier ainsi que les explications fournies par le ministère français des Affaires étrangères à leur représentant diplomatique à Paris, ont publié jeudi une réponse cinglante.

L’Algérie conteste la version française des faits

Le ministère algérien des Affaires étrangères rejette catégoriquement la présentation des événements faite par Paris. Selon Alger, la France cherche à se dédouaner de toute responsabilité dans la détérioration des relations bilatérales en accusant uniquement la partie algérienne.

“Cette correspondance décharge la France de ses obligations tout en imputant l’entière faute à l’Algérie”, dénonce le communiqué officiel. Le ministère qualifie ces allégations de mensongères et rappelle que les mesures prises par l’Algérie ne constituaient que des réponses proportionnelles basées sur le principe de réciprocité.

Des violations d’accords selon Alger

Loin de l’image que veut donner Paris d’un pays respectueux de ses engagements face à une Algérie défaillante, la réalité serait inverse selon Alger. Le gouvernement algérien accuse la France d’avoir bafoué plusieurs traités bilatéraux et internationaux :

  • L’accord de circulation de 1968 concernant les ressortissants algériens
  • La convention consulaire signée en 1974
  • L’accord de 2013 sur les exemptions de visas diplomatiques
  • L’accord de réadmission de 1994, qui aurait été dénaturé
  • La Convention européenne des droits de l’homme de 1950

Ces manquements auraient eu pour objectif de contourner les droits des citoyens algériens, souvent “expulsés de manière arbitraire du territoire français”, les privant ainsi des recours légaux garantis par la législation française et empêchant l’Algérie d’exercer sa protection consulaire.

Une approche française critiquée

Alger reproche à Paris d’avoir adopté une posture de confrontation, utilisant “des injonctions, des ultimatums et des mises en demeure”. Cette méthode aurait ignoré le fait que l’Algérie “ne cède ni aux pressions ni au chantage”, selon les termes du communiqué.

La riposte algérienne : réciprocité et dénonciation d’accord

En réaction, l’Algérie annonce plusieurs mesures :

Dénonciation de l’accord de 2013 : Alger rappelle n’avoir jamais sollicité cet accord d’exemption de visas diplomatiques, initiative qui venait toujours de la France. La suspension française donnant le droit à l’Algérie de le dénoncer, celle-ci procédera officiellement à son annulation par voie diplomatique.

Application du principe de réciprocité : Les détenteurs français de passeports diplomatiques et de service seront désormais soumis aux mêmes exigences de visa que celles imposées par la France aux diplomates algériens.

Protection renforcée des ressortissants : L’Algérie s’engage à défendre ses citoyens en France contre “les abus et l’arbitraire” en s’appuyant sur la législation française et européenne.

Vers de nouveaux contentieux bilatéraux

Pour conclure, le ministère algérien annonce son intention de soumettre à la France, par les canaux diplomatiques, d’autres différends bilatéraux nécessitant également un règlement, en réponse à la liste des contentieux évoqués par le président français dans sa lettre.

Cette escalade diplomatique illustre la profonde dégradation des relations entre les deux pays, chacun rejetant la responsabilité de la crise sur l’autre partie.

Lettre du Président français: Précisions des Autorités algériennes

Les Autorités algériennes ont examiné avec beaucoup d’attention la lettre adressée par le Président français à son Premier ministre, ainsi que les explications fournies le 7 août courant au Chargé d’affaires de l’ambassade d’Algérie en France par le Quai d’Orsay, indique jeudi un communiqué du ministère des Affaires étrangères. 

“Les Autorités algériennes ont examiné avec beaucoup d’attention la lettre adressée par le Président français à son Premier ministre, ainsi que les explications fournies le 7 août courant au Chargé d’affaires de l’ambassade d’Algérie en France par le Quai d’Orsay”, note la même source, précisant que “l’examen de ladite lettre et des explications qui l’ont accompagnée autorisent des observations préalables importantes”. 

“En tout premier lieu, et s’agissant de la dégradation des rapports algéro-français, cette lettre exonère la France de l’intégralité de ses responsabilités et fait porter tous les torts à la partie algérienne. Rien n’est plus loin de la vérité et de la réalité. Dans toutes ses phases, la crise actuelle a régulièrement donné lieu à des communiqués officiels du ministère algérien des Affaires étrangères. Ces communiqués ont systématiquement établi les responsabilités dans l’escalade et révèlent que les réactions et les contre-mesures que les autorités algériennes ont pu adopter s’inscrivaient strictement et rigoureusement dans le cadre de l’application du principe de réciprocité”, relève le communiqué. 

“En deuxième lieu, la lettre s’emploie à projeter de la France l’image d’un pays hautement soucieux du respect de ses obligations bilatérales et internationales et de l’Algérie celle d’un Etat en violation continue des siennes. Là également rien n’est plus éloigné de la vérité et de la réalité. En l’espèce, c’est la France qui a contrevenu à sa propre législation interne. C’est la France, également, qui a manqué au respect de ses engagements au triple titre de l’accord algéro-français de 1968 relatif à la circulation, à l’emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, de la convention consulaire algéro-française de 1974 et de l’accord algéro-français de 2013 relatif à l’exemption des visas pour les détenteurs de passeports diplomatiques et de service. C’est la France, en outre, qui s’est donné pour seule et unique objet de fixation l’accord algéro-français de 1994 relatif à la réadmission des ressortissants algériens vivants en situation irrégulière en France, accord dont elle a dénaturé la raison d’être et détourné les objectifs véritables. C’est la France, enfin, qui s’est affranchie de ses devoirs contractés au titre de la convention européenne des droits de l’homme de 1950”.

“L’ensemble de ces manquements français n’ont eu pour but que de passer outre le respect des droits acquis des ressortissants algériens éloignés souvent arbitrairement et abusivement du territoire français, leur privation des possibilités de recours administratifs et judiciaires que leur garantit pourtant la législation française elle-même et de vider de tout contenu le devoir de protection consulaire de l’Etat algérien à l’égard de ses ressortissants en tous lieux et en tout temps”, souligne le communiqué. 

“En troisième lieu, la France, dès la survenance de cette crise de son propre fait, a posé sa gestion en termes de rapports de force. C’est elle qui a procédé par injonctions, ultimatums et sommations. C’était ignorer, bien légèrement, que l’Algérie ne cède pas à la pression, à la menace et au chantage quels qu’ils soient. Ce sont ces constats qui dictent aujourd’hui la réponse algérienne à la lettre adressée par le Chef d’Etat français au Chef de son exécutif”. 

“L’Algérie tient à rappeler, une fois de plus, qu’elle n’a été  historiquement à l’origine d’aucune demande de conclusion d’un accord bilatéral d’exemption de visas au profit des titulaires de passeports diplomatiques et de service. A maintes reprises, c’est la France, et elle seule, qui a été à l’origine d’une telle demande. En décidant la suspension de cet accord, la France offre à l’Algérie l’opportunité idoine d’annoncer, quant à elle, la dénonciation pure et simple de ce même accord. Conformément aux dispositions de l’article 08 dudit accord, le Gouvernement algérien notifiera incessamment au Gouvernement français cette dénonciation par la voie diplomatique”. 

“Désormais, les visas qui seront accordés aux titulaires français de passeports diplomatiques et de service obéiront, en tous points, aux mêmes conditions que celles que la partie française imposera à leurs homologues algériens”. 

“En relation avec l’annonce de la réactivation du levier visa-réadmission, le Gouvernement algérien tient à constater que ce levier est en flagrante violation de l’accord algéro-français de 1968 et de la convention européenne des droits de l’homme de 1950.  La protection consulaire de l’Algérie à l’égard de ses ressortissants en France sera sans faille. Elle les aidera à faire valoir leurs droits et à faire respecter tout ce que les législations française et européenne leur garantissent comme défense contre l’abus et l’arbitraire”. 

“La lettre du Chef de l’Etat français à son Premier ministre fait une présentation biaisée de la problématique des accréditations du personnel diplomatique et consulaire dans les deux pays. Depuis plus de deux années, c’est la France qui a pris l’initiative de ne pas accorder les accréditations en question au personnel consulaire algérien, dont trois Consuls Généraux et Cinq Consuls. A ce sujet, comme dans d’autres, l’Algérie n’a fait qu’appliquer le principe de réciprocité. Dès lors que les entraves françaises seront levées, l’Algérie répondra par des mesures similaires. Cette position a été déjà notifiée aux autorités françaises, elle demeure en vigueur”.  

Dans ses dispositions finales, la lettre du Chef de l’Etat français à son Premier ministre énumère un certain nombre de contentieux bilatéraux devant faire l’objet d’une recherche de règlements. L’Algérie entend, elle-aussi, saisir, par la voie diplomatique, la partie française d’autres contentieux devant faire l’objet d’une même recherche de règlements”, conclut le communiqué.

Le Chargé d’Affaires de l’ambassade de France en Algérie convoqué au ministère des Affaires Etrangères

Le Chargé d’Affaires de l’ambassade de la République française en Algérie a été convoqué jeudi au siège du ministère des Affaires Etrangères par le Directeur des Immunités et Privilèges, indique un communiqué du ministère. 

A cette occasion, deux notes verbales ont été remises au diplomate français, précise la même source.

“La première note verbale a eu pour objet de notifier formellement la dénonciation par la partie algérienne de l’Accord algéro-français de 2013 relatif à l’exemption réciproque des visas pour les titulaires de passeports diplomatiques et de service. Cette dénonciation va plus loin que la simple suspension notifiée par la partie française et met définitivement un terme à l’existence même de cet accord”, ajoute le communiqué.

“En conséquence, et sans préjudice des délais prévus dans l’accord, le Gouvernement algérien a décidé de soumettre, avec effet immédiat, les titulaires de passeports diplomatiques et de service français à l’obligation de visas. Il se réserve, par ailleurs, le droit de soumettre l’octroi de ces visas aux mêmes conditions que celles que le Gouvernement français arrêtera pour les ressortissants algériens. Il s’agit là d’une stricte application du principe de réciprocité qui exprime, avant tout, le rejet par l’Algérie des velléités françaises de provocation, d’intimidation et de marchandage”.*

La seconde note verbale vise, quant à elle, “à informer la partie française de la décision des autorités algériennes de mettre fin à la mise à disposition, à titre gracieux, de biens immobiliers appartenant à l’Etat algérien au profit de l’ambassade de France en Algérie. Cette note annonce, également, le réexamen des baux, considérablement avantageux, contractés par l’ambassade avec les OPGI d’Algérie et invite la partie française à dépêcher une délégation à Alger pour entamer les discussions à ce sujet”, souligne le communiqué.

“Il y a lieu de rappeler que la représentation diplomatique algérienne en France ne bénéficie d’aucun avantage de cette même nature. En conséquence, l’action algérienne ainsi décidée vise là également à introduire l’équilibre et la réciprocité dans la relation algéro-française globale”, conclut la même source.